Impact de la proposition de directive Omnibus sur le règlement européen du mécanisme d'ajustement carbone aux frontières

Depuis plusieurs années l’Union européenne (UE) souhaite renforcer sa politique environnementale. Parmi les développements réglementaires récents figure (entre autres) le Mécanisme d'Ajustement Carbone aux Frontières (MACF), conçu pour prévenir les fuites de carbone et garantir des conditions de concurrence équitables pour les producteurs de l'UE soumis au Système d'Échange de Quotas d'Émission (SEQE).

Le MACF constitue un élément central du paquet Fit for 55 de l’UE visant à soumettre les produits importés dans le territoire douanier de l’UE à une tarification équivalente aux coûts des émissions domestiques imposés à certains producteurs de l’UE soumis au SEQE.

Afin d'affiner la mise en œuvre du MACF, la Commission européenne a récemment adopté la proposition de directive Omnibus, visant à modifier plusieurs cadres réglementaires dont celui du MACF.

1. Le MACF : un tournant pour la taxation carbone aux frontières de l’UE

1.1.  Vers une concurrence équitable et décarbonée

Le MACF a été introduit dans le paysage réglementaire de l’EU par le règlement (UE) 2023/956 et son règlement d’exécution 2023 /1773 (applicable durant la période transitoire[1]) avec pour objectifs principaux:

  • d’établir un cadre de tarification des émissions intrinsèques de gaz à effet de serre de certaines marchandises importées dans l’UE au moyen de l’achat de certificats,

  • prévenir les fuites de carbone en garantissant que les industries européennes ne soient pas défavorisées face à des concurrents étrangers bénéficiant de normes environnementales moins strictes,

  • encourager la décarbonation à l'échelle mondiale en incitant les producteurs de pays tiers à adopter des technologies plus propres.

1.2. Champ d'application et fonctionnement

Le MACF s'applique à certains biens fortement émetteurs de carbone, notamment l'acier, l'aluminium, le ciment, les engrais, l'hydrogène, l'électricité, la fonte et le fer visés à l’annexe I du règlement précité (annexe I du règlement n°2023/956).  

Ce mécanisme impose aux importateurs des biens visés ci-dessus et originaires de pays tiers à l’UE[2] des obligations administratives dites de reporting et des obligations financières.

Obligations de reporting

Au cours de la période transitoire, le règlement d’exécution 2023 /1773 impose aux importateurs entrant dans le champ d’application du MACF de déclarer de manière périodique[3] les informations suivantes (entre autres)[4] :

a) le type de marchandises tel qu’identifié au moyen de leur code douanier dit NC ;

b) la quantité totale de chaque type de marchandises importé au cours du trimestre précédent, exprimée en mégawattheures pour l’électricité et en tonnes pour les autres marchandises ;

c) les émissions intrinsèques totales (directes et indirectes) des marchandises visées au point a) exprimées en tonnes équivalent CO2 émises par mégawattheure d’électricité ou, pour les autres marchandises, en tonnes équivalent CO2 émises par tonne de chaque type de marchandises. A cet égard, il convient de noter que depuis octobre 2024, le rapport MACF doit inclure les émissions réelles de CO2 et non plus les valeurs par défaut initialement publiées par la Commission européenne (sauf exception) ;

d) le prix carbone éventuellement d’ores et déjà réglé dans le pays d’origine des marchandises.

Obligations financières

En outre, le règlement n°2023/956, prévoit également qu’au plus tard le 31 mai de chaque année, et pour la première fois en 2027 pour l’année 2026, le déclarant MACF autorisé restituera, par l’intermédiaire du registre MACF, le nombre de certificats MACF correspondant aux émissions intrinsèques déclarées pour l’année civile précédant la restitution[5].

La Commission calculera le prix des certificats MACF comme étant la moyenne des prix de clôture des quotas du SEQE de l’UE sur la plateforme d’enchères conformément aux procédures établies par le règlement (UE) no 1031/2010 pour chaque semaine civile.

1.3. Le MACF, un défi pour les importateurs

Depuis l’entrée en vigueur du MACF les importateurs de certains biens fortement émetteurs de CO₂ font face à des défis administratifs et financiers majeurs.

En premier lieu, le reporting des émissions carbone pose des difficultés pratiques. En effet, la collecte des valeurs réelles de CO2 sur les émissions intrinsèques des fournisseurs étrangers lors de la production des biens s’avère complexe, en raison du manque d’harmonisation des méthodologies et de la réticence de certains producteurs hors UE à partager ces informations. La charge administrative est également lourde, avec des déclarations régulières et des exigences de vérification strictes.

En second lieu, la gestion des certificats MACF représentera un coût financier non négligeable pour les entreprises. Le prix des certificats étant indexé sur le marché du carbone européen (SEQE), il reste soumis à des fluctuations, compliquant ainsi la prévision budgétaire.

C’est dans ce contexte que la Commission européenne a œuvré à la préparation d’une proposition de directive Omnibus.

2. La directive omnibus : modifications proposées du MACF

2.1. Contexte et objectifs de la directive Omnibus

La directive Omnibus s'inscrit dans un effort de la Commission européenne visant à simplifier et harmoniser les cadres réglementaires de l'UE[6]. Les objectifs principaux, en ce qui concerne le MACF, incluent la réduction des charges administratives pour les importateurs et les autorités réglementaires, la clarification des obligations de conformité et le renforcement des mesures anti-contournement.

2.2. Principales modifications affectant le MACF (non-exhaustives)

Exemption de minimis

L'un des changements les plus significatifs est l'introduction d'un seuil de minimis de 50 tonnes métriques de CO2 par importateur et par an. Cette exemption devrait ainsi permettre à certains importateurs (principalement les particuliers et les PME) d’être exemptés du MACF. Le document de travail de la Commission européenne indique que ce seuil exemptera près de 91 % des importateurs tout en couvrant environ 99 % des émissions.

Simplification des méthodes de calcul des émissions carbone

En sus de l’exemption de minimis, la proposition de directive prévoit plusieurs simplifications pour les importateurs soumis au MACF. Parmi celles-ci figurent, entre autres :

  • l’exclusion des argiles non calcinées du champ du MACF ;

  • l’ajustement de la méthodologie de calcul des valeurs par défaut et la possibilité de pouvoir recourir à des valeurs par défaut et non plus obligatoirement aux valeurs réelles ;

  • l’exemption des précurseurs produits dans l’UE, et

  • la simplification du calcul des émissions pour les procédés en aval.

L’obligation d’achat des certificats carbone reportée d’une année

Par ailleurs, la Commission européenne souhaite que les déclarants MACF puissent acheter des certificats MACF à partir de février 2027 pour couvrir les émissions intégrées dans les marchandises MACF qu'ils auront importées en 2026. La date de début de la vente des certificats MACF devrait être reportée au 1er février (au lieu du 1er janvier) afin de donner davantage de temps aux déclarants pour collecter les données et aux systèmes douaniers pour alimenter le registre MACF avec les données relatives aux dernières importations de 2026.

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Cette proposition de directive est maintenant soumise au Parlement européen et au Conseil pour examen et adoption. Les modifications entreront en vigueur une fois que les colégislateurs auront trouvé un accord sur les propositions et après leur publication au Journal officiel de l’Union européenne.


[1] Période transitoire du 1er octobre 2023 au 31 décembre 2025

[2] L’Islande, le Liechtenstein, la Norvège et la Suisse sont exemptés du MACF.

[3] Pour chaque trimestre jusqu’au 31 décembre 2025 et de manière annuelle à partir du 1er janvier 2026.

[4] Pour une liste exhaustive des informations à inclure dans le rapport MACF durant la période transitoire, il convient de consulter l’annexe I du règlement 2023/1773.

[5] Un certificat MACF correspond à une tonne équivalent CO2 d’émissions intrinsèques des marchandises. 

[6] A cet égard, il convient de lire le document de travail de la Commission européenne accompagnant le projet de directive Omnibus https://commission.europa.eu/document/download/b615ed29-58e2-4248-b87e-11929119f0c0_en?filename=SWD-Omnibus-87_En.pdf

 

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